L’associé d’un GAEC peut bénéficier d’une procédure de surendettement des particuliers

Auteur : Fleur NOUGARET-FISCHER
Publié le : 15/02/2022 15 février févr. 02 2022

La seule qualité de membre d'un GAEC ne suffit pas à faire relever la personne concernée du régime des procédures collectives et à l'exclure du champ d'application des dispositions du code de la consommation relatives au surendettement des particuliers.

Cette solution a été retenue par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 16 décembre 2021, pourvoi n°20-18.344.

En effet, la procédure de surendettement des particuliers et les procédures collectives sont deux types de procédure bien distincts (I) qui peuvent coexister lorsque l’origine des dettes n’est pas la même (II)

I. Surendettement des particuliers et procédures collectives : deux types de procédure bien distincts

A. La procédure de surendettement des particuliers 


L’article L.711-1 du Code de la consommation énonce les conditions pour pouvoir bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers.

1) Une personne physique de bonne foi

Tout d’abord, le critère essentiel est d’être une personne physique. Les personnes morales, telles que les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC), sont donc exclues, d’emblée, de cette procédure.

Etre une personne physique ne suffit pas; il faut, en outre, être de bonne foi. L'absence de bonne foi est appréciée souverainement par les juges du fond (Civ. 1re, 4 avr. 1991), il est donc difficile d’en donner une définition précise et de savoir, à l’avance, ce qui sera considéré comme tel.

A titre d’exemple, a été jugé de mauvaise foi, le débiteur incluant une nouvelle dette qu'il n'avait pas déclarée lors d'un précédent plan, alors qu'il avait conscience qu'il en était redevable et qu'il ne pourrait pas assumer ses obligations financières (Civ. 2e, 11 mai 2017, no 16-15.481).

2) L’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir

La personne physique de bonne foi doit être dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.

La jurisprudence a donné une définition des dettes professionnelles : il s’agit   des dettes nées pour les besoins ou au titre d'une activité professionnelle (Civ. 2e, 8 avr. 2004, no 03-04.013). Les dettes non professionnelles sont donc définies par défaut : ce sont toutes les dettes qui n’entrent pas dans le cadre de cette définition.

3) Exclusion : les entreprises en difficulté 

L’article L.711-3 du Code de la consommation précise que la procédure de surendettement des particuliers ne bénéficie pas au débiteur relevant des procédures instituées par le livre VI du code de commerce, intitulé « DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES ».

Sont donc exclues du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement, toute personne pouvant bénéficier d’une sauvegarde, d’un redressement judiciaire ou d’une liquidation judiciaire et d’un rétablissement professionnel.
 

B. Les procédures collectives 


La procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire est ouverte à :
 
  • Toute personne exerçant : 
    • Une activité commerciale
    • Une activité artisanale 
    • Une activité agricole définie à l’article L311–1 du code rural et de la pêche maritime 
  • Toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé
  • Toute personne morale de droit privé.
 
Ainsi, aussi bien les personnes morales que les personnes physiques peuvent bénéficier d’une telle procédure. Il faudra, toutefois, que les difficultés rencontrées entrent dans le cadre de leur activité professionnelle.

Dès lors, un GAEC, personne morale, bénéficiera d’une procédure de sauvegarde et non d’une procédure de surendettement.

De même, une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante sera soumise aux procédures collectives et non à la procédure de surendettement des particuliers.

Mais quand est-il de l’associée, personne physique, d’un GAEC qui n’exerce pas d’activité professionnelle indépendante ? La question a été tranchée par l’arrêt du 16 décembre 2021.

II. La coexistence de dettes professionnelles et non-professionnelles

En l’espèce, un tribunal de grande instance avait ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice d’un GAEC. Celui-ci avait ensuite fait l’objet d’un jugement de liquidation judiciaire.

L’associée, personne physique, de ce GAEC avait alors déposé une demande auprès de la commission de surendettement des particuliers. Cette demande avait été jugée est irrecevable au motif que le GAEC dont la demanderesse était membre avait bénéficié d’une procédure de sauvegarde puis avait été placé en liquidation judiciaire.

Ce jugement a été cassé par la cour de cassation au motif que la seule qualité de membre d’un GAEC ne suffit pas à faire relever la personne concernée du régime des procédures collectives et à l’exclure du champ d’application des dispositions du code de la consommation relatives au surendettement des particuliers.

En effet, une personne physique peut faire l’objet d’une procédure de surendettement des particuliers sauf si elle relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce (article L.711-3 du Code de la consommation).
Ce livre prévoit précisément que font l’objet de telles procédures :
 
  • toute personne exerçant une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime 
  • toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante 
Par conséquent, une personne physique, membre d’un GAEC, peut faire l’objet d’une procédure de surendettement des particuliers sauf si elle exerce une activité agricole, à titre individuel, et indépendamment de l’activité exploitée par le GAEC.

Cette solution est logique dans la mesure où il ne faut pas confondre les dettes professionnelles, nées de l’activité du GAEC, et les dettes supportées, à titre personnel, par l’associée.

En effet, il est de jurisprudence constante qu’en cas de coexistence entre dettes professionnelles et non professionnelles, c'est l'ensemble des dettes non professionnelles qui doit être pris en compte pour déterminer la recevabilité de la demande de bénéfice d'une procédure de surendettement (Com. 9 févr. 1999). Par ailleurs, le juge ne peut écarter la procédure de surendettement sans vérifier que les dettes non professionnelles ne suffisent pas, à elles seules, à placer le débiteur en situation de surendettement (Civ. 1re, 7 nov. 2000, no 99-04.058).
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