La révision pour imprévision prévue par le code civil est-elle vraiment efficace ?

Auteurs : Alice DELGADO, Fleur NOUGARET-FISCHER
Publié le : 02/05/2022 02 mai mai 05 2022

Si le principe est la force obligatoire et l’intangibilité du contrat, le juge peut s’immiscer dans celui-ci grâce à la révision pour imprévision, qui figure à l’article 1195 du Code civil.

Si l’imprévision et la force majeure se ressemblent en ce que dans les deux cas un fait imprévisible postérieur à la conclusion du contrat est survenu, elles se distinguent en ce que la première rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse alors que la seconde la rend impossible.

I – Qu’est-ce que la révision pour imprévision ? 

Depuis la réforme du droit des contrats de 2016 le changement de circonstances économiques peut être pris en compte. Désormais, dès lors qu’un changement de circonstances imprévisible au moment de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, la partie qui subit le changement peut en informer l’autre et lui demander une renégociation.

S’en suivent alors plusieurs possibilités : soit le cocontractant accepte de négocier et la négociation aboutit à une modification des termes du contrat, soit il accepte de négocier mais les négociations n’aboutissent à rien, soit il refuse de renégocier.

Dans tous les cas pendant cette période de renégociation le contrat continue d’être exécuté aux conditions initiales.

En cas d’échec, les parties peuvent soit procéder à la résolution du contrat soit saisir le juge. C’est à ce moment-là seulement que le juge intervient, il pourra modifier les termes du contrat.

Cet article qui prévoit la révision pour imprévision n’est pas d’ordre public et les parties peuvent l’écarter, en prévoyant dans leur contrat une clause de renonciation à l’article 1195 et donc une clause de renonciation à la révision pour imprévision.

II – Pourquoi cette évolution n’est-elle pas aussi efficace qu’il n’y parait ? 

Si au premier abord cette révision pour imprévision peut sembler bienvenue puisqu’elle vient protéger celui qui se retrouve dans une situation de faiblesse, elle est beaucoup critiquée.
En effet l’intervention du juge est contestée car un tiers, le juge, va s’immiscer dans le contrat pour changer les conditions initialement convenues entre les parties dans le but d’aider celui qui s’est trompé dans ses estimations et donc au détriment de celui qui avait bien calculé. 

De plus, cet article n’est en réalité pas aussi redoutable qu’on pourrait le penser et cela d’abord parce que sa mise en œuvre est complexe. En effet la réunion des 3 conditions n’est pas chose aisée, et même si la partie arrive à la prouver l’article 1195 du code civil n’est pas une ‘menace’ suffisante pour convaincre la partie adverse d’accepter une renégociation.

Ensuite procéduralement, l’invocation de la révision pour imprévision se révèle inadaptée. En effet cet article est invoqué quand un contrat est devenu excessivement onéreux à exécuter et donc qu’une des parties se trouve dans une situation relativement urgente or, tant qu’aucune solution n’est trouvée à l’amiable ou par le juge le contrat continue de s’appliquer. Le problème est que les seuls juges susceptibles de rendre rapidement des décisions sont les juges des requêtes et les juges des référés mais ils ne sont pas compétents pour les litiges relatifs à l’imprévision dans les contrats (CA Paris du 4-3-2022 n° 21/11534). Il faut donc attendre une décision du juge du fond pendant longtemps et en attendant le contrat doit continuer à être exécuté, alors même que cette exécution est excessivement onéreuse et qu’une modification des termes du contrat est urgente.

Le droit des contrats peut donc bien être réformé, si le droit procédural ne suit pas les avancées et n’est pas adapté, les réformes sont vaines.

En cas de doutes ou si vous avez besoin de renseignements relatifs à la rédaction d’un contrat ou au droit des contrats en général, n’hésitez pas à faire appel aux services d’un avocat ! 
Composé de juristes compétents en Droit des Affaires et de l’entreprise, le Cabinet FISCHER et son pôle droit des affaires est là pour vous accompagner et vous conseiller aussi bien dans la rédaction des contrats que dans leur exécution et dans le contentieux.
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