Bail commercial : les loyers sont dus même en période de confinement !

Bail commercial : les loyers sont dus même en période de confinement !

Auteurs : Alice DELGADO, Fleur NOUGARET-FISCHER
Publié le : 13/07/2022 13 juillet juil. 07 2022

Les divers confinements et autres restrictions de déplacements imposés tout au long de la pandémie ont fait naitre de nouvelles problématiques pour le moins complexes dont l’une a récemment été tranchée par la Cour de Cassation.

Pendant la crise sanitaire liée au Covid-19, les commerces considérés non alimentaires ont été contraints de rester fermés. Si certains commerçants ont pu continuer leur activité notamment grâce au ‘click and collect’ et au ‘drive’, une grande partie ont perdu la totalité de leur chiffre d’affaires, tout en devant continuer de payer le loyer.  Face à cette situation de nombreux locataires de baux commerciaux se sont retrouvés dans l’incapacité de payer leurs bailleurs.

Le preneur d’un bail commercial confronté à la fermeture des commerces pendant la crise sanitaire peut-il se soustraire à son obligation de payer le loyer au bailleur ?

La question a donné lieu à des nombreuses décisions, dont les trois dernières viennent clarifier la situation (Cass 3ème civ 30/06/2022, n°21-20.190 ; Cass 3ème civ 30 juin 2022, n°21-20.127 ; Cass 3ème civ 30/06/2022, n°21-19.889).

I – Les arguments des locataires rejetés par la Cour de Cassation

Les locataires ont tenté de se soustraire au paiement des loyers en invoquant la perte du local loué (Art. 1722 du Code civil), qui consiste à admettre qu’en cas de destruction totale de la chose louée le bail soit résilié et qu’en cas de destruction partielle de la chose louée il y ait une diminution du prix.

Ils soutenaient que l’interdiction de recevoir du public s’apparentait pour eux à une perte du local loué. Il était déjà admis que cette perte n’avait pas forcément à être matérielle (destruction par un incendie, des inondations…), et pouvait être uniquement juridique : ainsi la fermeture administrative d’un centre commercial est considérée comme la perte de la chose louée (Cass 3ème civ 30/10/2007, n°07-11.939).

Les juges n’ont pas suivi ce raisonnement en ce qui concerne l’interdiction de recevoir du public durant la crise sanitaire et ont considéré qu’une perte du local loué doit être spéciale et définitive. Or, l’interdiction administrative de recevoir du public est une interdiction générale, elle ne s’applique pas pour le local loué en particulier et n’a pas de rapport avec ce dernier et il s’agit d’une interdiction temporaire. Dès lors ils ont considéré que l’interdiction administrative de recevoir du public ne pouvait être considérée comme une perte du local loué.

Un autre argument invoqué par les locataires pour se soustraire au paiement des loyers était l’exception d’inexécution (Art. 1219 du Code civil). Elle prévoit que si une partie n’exécute pas son obligation l’autre peut elle aussi refuser d’exécuter la sienne. Elle ne suppose pas de recourir à un juge et peut être activée dès qu’il y a une inexécution du contrat.
Les locataires soutenaient que les bailleurs, qui ont une obligation de délivrance de l’immeuble et de garantie de la jouissance paisible, avaient failli à leurs obligations puisque pendant la période du confinement et des fermetures des commerces non essentiels, les locataires ne pouvaient pas exploiter leurs locaux.

Une argumentation que les juges de la Cour de cassation n’ont pas suivie. Ils ont considéré que le fait que le locataire ne puisse pas exploiter les locaux n’était pas forcément consécutif à une inexécution du bailleur : dans le cas de l’inexploitation des locaux à cause des fermetures décidées par l’administration, les locaux étaient effectivement mis à disposition par le bailleur, l’impossibilité de les exploiter résultait uniquement de l’administration. Les conséquences économiques de la crise sanitaire ne devaient pas peser sur le bailleur, qui ne commettait aucune inexécution de ses obligations. Les juges décident ainsi de faire peser la situation économique sur les locataires.

Enfin, ils ont considéré que l’interdiction administrative de recevoir du public ne pouvait pas non plus s’apparenter à un cas de force majeure. Il y a force majeure lorsqu’un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur au débiteur rend l’exécution de l’obligation impossible. Dans ce cas soit l’obligation est suspendue soit le contrat est résolu.

Certains locataires ont pu considérer que les diverses restrictions imposées durant la crise sanitaire remplissaient les conditions de la force majeure. Les juges n’ont pas été de cet avis et ont suivi la jurisprudence constante selon laquelle la force majeure ne s’applique pas à une obligation de payer une somme d’argent.

II – Qu’en est-il de l’imprévision et de la mauvaise foi ? 

Ne restent plus alors aux locataires que l’argument de l’imprévision et celui de la mauvaise foi du bailleur qui n’ont à ce jour pas encore été exclus.

La révision pour imprévision est une nouveauté de la réforme du droit des contrats de 2016 qui figure à l’article 1195 du Code civil. Elle permet, pour les contrats conclus après le 1er octobre 2019, de demander une renégociation : dès lors qu’un changement de circonstances imprévisible au moment de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque.

Si l’imprévision et la force majeure se ressemblent en ce que dans les deux cas un fait imprévisible postérieur à la conclusion du contrat est survenu, elles se distinguent en ce que la première rend l’exécution du contrat excessivement onéreuse alors que la seconde la rend impossible.

Les conditions de l’imprévision sont donc moins strictes que celle de la force majeure. Les bailleurs qui n’ont pas payé leurs loyers pendant la crise sanitaire pourront donc soulever une exécution excessivement onéreuse du contrat pour eux, ce qui serait justifié.
 
Composé de juristes compétents en Droit des Affaires et de l’entreprise, le Cabinet FISCHER et son pôle droit des affaires est là pour vous accompagner et vous conseiller aussi bien dans la rédaction des baux commerciaux que dans leur exécution et dans le contentieux.
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