Interdiction d’étiqueter le cépage Vermentino en France

Interdiction d’étiqueter le cépage Vermentino en France

Auteur : Fleur NOUGARET-FISCHER
Publié le : 14/02/2022 14 février févr. 02 2022

Il existe des noms de cépages ou des synonymes de nom de cépages qui sont totalement ou partiellement identiques à des dénominations d’AOP/IGP dûment protégées dans l’Union européenne.

C’est le cas du Vermentino, cépage blanc très cultivé en Italie et en France. Ce nom de cépage contient partiellement une indication géographique Italienne protégée, à savoir « Vermentino di Gallura » et « Vermentino di Sardegna ».

Le 17 octobre 2018, la Commission européenne a adopté un nouveau règlement, le Règlement Délégué (UE) n°2019/33, complétant dans certaines matières le Règlement (UE) n°1308/2013 portant Organisation Commune des Marchés des produits agricoles (dit OCM Unique).

Ce règlement a été publié au Journal Officiel de l’Union Européenne du 11 janvier 2019 et est directement applicable en droit interne français.

Ce règlement, en son article 50 et en son annexe IV contient la liste exhaustive des cas où, par exception à la protection dévolue, il est autorisé d’utiliser ces noms de cépages.

Une règlementation imprécise et sujette à interprétation 

Le nom de cépage « Vermentino » figure à l’annexe IV, partie B, de ce règlement :



Or, au terme de l’article 50 du règlement, paragraphe 4, les noms de variétés à raisins de cuve figurant dans cette annexe, « peuvent figurer uniquement sur l’étiquette d’un produit bénéficiant d’une appellation d’origine protégée ou d’une indication géographique protégée ».

Il faut noter que cet article n’indique aucune restriction géographique. La seule condition imposée par cet article est que le produit étiqueté « Vermentino » bénéficie d’une AOP ou d’une IGP.

En outre, nous constatons qu’il n’est pas non plus précisé de quelle indication/appellation géographique le vin doit bénéficier… A la lecture de ce seul article, il apparaît qu’un vin bénéficiant de n’importe quelle IGP/AOP pourrait étiqueter le cépage Vermentino. Ainsi, par exemple, un vin bénéficiant de l’IGP Pays d’Oc pourrait étiqueter ce cépage.

Toutefois, le tableau figurant en annexe IV, partie B, du règlement, précise les pays qui peuvent utiliser le nom de « Vermentino » : Italie, Australie, États-Unis d’Amérique, Croatie. La France ne figurant pas dans cette liste, il faut en déduire qu’a contrario, ce pays ne peut utiliser ce nom de variété.

On comprend, en effet, que l’esprit du législateur européen est de limiter l’étiquetage de la mention « Vermentino » à ces seuls pays.

Néanmoins, l’annexe IV, partie B, s’intitule « Liste des variétés à raisins de cuve et de leurs synonymes qui peuvent figurer sur l'étiquette des vins… »

Alors que le troisième colonne du tableau s’intitule « pays qui peuvent utiliser le nom de variété », sans référence à un quelconque étiquetage. On pourrait donc penser que le nom « Vermentino » peut figurer sur l’étiquette des vins de tout pays et que seul les pays listés ci-dessus peuvent l’utiliser à une autre fin que celle de l’étiquetage.

Ainsi, ce règlement n’est pas clair, surtout quant aux limitations géographiques, qui ne tiennent qu’à l’intitulé d’une colonne, d’un tableau, figurant en annexe. Il est donc sujet à interprétation…

L’application dans le temps de cette nouvelle règlementation 

Cette règlementation est entrée en vigueur le 14 janvier 2019, le vin produit étiqueté postérieurement à cette date ne peut donc faire apparaître le nom de « Vermentino ». 

Le règlement précise que le vin étiqueté antérieurement à cette date peut être commercialisé jusqu’à épuisement des stocks existants.

Quelles sont les sanctions encourues ?

L’étiquetage du cépage « Vermentino », alors qu’il n’est plus autorisé en France, serait considéré comme l’utilisation non autorisée d’une indication/appellation géographique protégée.

Deux types de sanctions sont encourues dans ce cas.
 

• Sanction civile : Le délit civil de contrefaçon d’indication géographique


L’article L. 722–1 du code de la propriété intellectuelle pose le principe selon lequel « toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection accordée par le droit de l’Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur ».

Au terme de cet article, est interdit la production, l’offre, la vente, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation (…) de bien dont la présentation est susceptible de porter atteinte à une indication géographique.

Par conséquent, en étiquetant le cépage Vermentino sur des bouteilles de vin, cela pourrait être considéré comme étant susceptible de porter atteinte aux indications géographiques protégées « Vermentino di Gallura » et « Vermentino di Sardegna ».
 
  • Personnes compétentes pour agir
L’article L722-2 du même code définit d’une façon très large les titulaires du droit d’agir dans le cadre de l’action civile pour contrefaçon:
- Toute personne autorisée à utiliser l’indication géographique concernée 
- Tout organisme auquel la législation a donné pour mission la défense des indications géographiques
Les douanes, et plus précisément les Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), sont donc compétentes pour agir contre l’étiquetage du cépage Vermentino.
 
  • Mesures probatoires : les saisies contrefaçon 
Les personnes habilitées peuvent procéder à des saisies contrefaçon.

Concrètement, cela veut dire  c’est-à-dire qu’elles peuvent solliciter l’autorisation de faire procéder à la saisie des bouteilles de vin prétendues contrefaisant ainsi que tous documents se rapportant.

Il convient de préciser que les saisies contrefaçon peuvent être réalisées préalablement à tout procès! En effet, il s’agit d’une mesure probatoire destinée à faciliter l’obtention de la preuve de contrefaçon.
 
  • Les sanctions encourues en terme de délit civil de contrefaçon
 
  • Dommages et intérêts 
La sanction de la responsabilité civile pour atteinte portée à une indication géographique se résout par des dommages intérêts. Ceux-ci sont évalués à partir des critères posés à l’article L. 722–6 du code de la propriété intellectuelle.
 
  • Mesures correctives 
Des mesures correctives peuvent également être ordonnées. Il s’agit du rappel, de la confiscation ou de la destruction des produits contrefaisant aux frais du contre facteur (L. 722–7 du code de la propriété intellectuelle).
 
  • Publicité du jugement
En outre, la publicité du jugement, notamment son affichage et sa publication intégral, peut être ordonnée au terme de l’article L722–7 du code de la propriété intellectuelle.
 
  • Retenue douanière 
Enfin, la retenue douanière peut être mise en œuvre par l’administration des douanes à l’égard des marchandises soupçonnées de contrefaçon (L.722-16 du Code de la propriété intellectuelle).
La retenue des marchandises soupçonnées de contrefaçon peut être suivie de leur destruction, à la suite d’une procédure contradictoire régie par le code de la propriété intellectuelle et le code des douanes.`
Au-delà des sanctions civiles, l’étiquetage du Vermentino est susceptible de sanctions pénales.
 

• Sanctions pénales 

 
  • Protection pénale directe 
L’utilisation d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique est protégée pénalement et directement au sein du Code de la consommation.

Ainsi, aux termes des articles L.431-2 et L.432-4 du Code de la consommation, il est interdit d’utiliser, d’apposer ou faire apparaître sur des produits mis en vente ou destinés à être mis en vente, une appellation d’origine ou une indication géographique, en la sachant inexacte.

La violation de ces interdictions est punie d’une peine d’emprisonnement de deux ans et d’une amende de 300 000 € (L.453-1 et L.453-5 du Code de la consommation).

Au-delà de cette protection pénale directe, certaines infractions peuvent être caractérisées en cas d’utilisation d’une indication/appellation géographique non autorisée.
 
  • Le délit de tromperie
Au titre de l’article L. 441–1 du code de la consommation, la tromperie est constituée dès lors qu’une personne aura trompé ou tenter de tromper le contractant sur l’origine de toute marchandise.
Cet article s’applique aussi dans les relations entre professionnels.

L’élément matériel du délit de tromperie consiste donc dans une erreur contractuelle provoquée, l’élément moral consistant dans l’intention frauduleuse.  

En l’espèce, il pourrait être reproché aux producteurs ainsi qu’aux négociant ayant mis sur le marché des bouteilles dont l’étiquette mentionne le cépage Vermentino d’avoir voulu, en toute connaissance de cause, provoquer, chez l’acheteur, une erreur sur l’origine géographique du vin. Il lui serait donc reproché d’avoir voulu faire croire à l’acheteur de la bouteille que le vin proviendrait de la région ???
 
  • Le délit de falsification 
L’incrimination de falsification résulte des articles L. 413–1 et L. 413–2 du code de la consommation. Cette infraction est réalisé lors de la fabrication d’une denrées destiné à l’alimentation, comprenant ainsi les boissons alcoolisées telles que le vin.

Le délit de falsification se commet, contrairement à la tromperie, indépendamment de l’existence d’un contrat.

Il est commis si le fabricant destine à la vente des produits fabriqués selon une composition irrégulière, tout en précisant la composition et les qualités exactes de ce produit. Il est donc constitué chaque fois que sont fabriqués sciemment, dans des conditions non conformes à la réglementation ou aux usages, des produits destinés à la vente.
Composé d’avocats compétents en Droit des Affaires et Droit de la vigne et du vin, le Cabinet FISCHER vous accompagne et vous conseille dans les difficultés que peut rencontrer votre entreprise.
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